• Chapitre 2

     

     

             Où suis-je ? Oh, ma tête… Mais pourquoi je me sens si mal ? Oh non… Oui, tout m’est revenu d’un coup, le test, la grossesse, le bébé… Maman, maman…. Mais que va dire ma mère quand elle saura ?

    -          Ma puce, ça va ?

    Ah, ben quand on parle du loup… Je hochais la tête pour la rassurer, oui j’allais bien… Enfin comme une gamine de dix ans enceinte de son beau-père quoi… Si seulement tu savais maman… Dire que j’endure toute cette souffrance, que je ravale toute cette souffrance depuis deux ans, et me voilà enceinte… Punition ou récompense ? Seul l’avenir nous le dira…

    -          Tu nous as fait une de ces frayeurs ! Cléa nous a tout raconté…

    -          Tout ?

    -          Oui, elle nous a dit que tu es allée aux toilettes et qu’en sortant elle t’a proposé de goûter, tu as acquiescé et puis tu es tombée…

    -          Ah oui… Je sortais des toilettes… Et je suis tombée…

    -          Tu ne t’en souviens pas ?

    -          Euh… Si, si… Bien sûr que je m’en souviens, au pire si j’avais oublié ma tête me le rappelle bien crois-moi…

    Ma mère éclata de rire et répliqua :

    -          C’est normal, ma puce, ta cousine n’a pas eu le temps de te rattraper avant ta chute… Tu serais tombée la tête la première sur le carrelage.

    -          Dommage, elle m’aurait rattrapé elle m’aurait évité de souffrir le martyr… D’ailleurs elle va bien, elle n’est pas trop… chamboulée ?

    -          Non, ça va ne t’inquiètes pas… Elle demande de tes nouvelles toutes les cinq minutes par téléphone. D’ailleurs je vais l’appeler pour lui dire que tu es réveillée. Tu veux que je te ramène quelque chose ?

    Je regardais l’heure. Il était vingt et une heure, j’avais dépassé l’heure du souper et je n’avais pas goûté, mais je n’avais pas faim et puis en temps normal quand je dépasse l’heure du souper j’attends le lendemain pour manger. Mais le bébé ? Il a peut-être faim lui ? Je ne savais plus quoi faire, mais d’une voix à peine audible je déclarais à ma mère :

    -          Oui je veux bien un chocolat chaud, s’il te plaît…

    -          Tu me parais très faible ma puce… Je ne voudrais pas que tu nous refasses un malaise. Le médecin a dit que tu devais manger un peu plus et il n’a pas tort… Je te ramène un chocolat chaud et trois biscuits…

    -          Très bien… Va pour les biscuits, soupirais-je.

    Ma mère sorti de la chambre et je me retrouvais seule. Je regardais autour de moi et souriais en voyant que quelqu’un (sûrement ma cousine) avait pris soin de déposer un livre à côté de mon oreiller. Je m’en saisissais et commençais à lire.

    La lecture était une partie de moi, de ma vie. Sans elle, j’aurais sûrement cédé depuis longtemps à mes envies de suicide… Mais dans mes livres je vivais des tas d’aventures, je voyageais à travers le monde, je respirais… Oui je respirais, j’étais libre, mes livres avaient l’odeur et le goût de la liberté… Je me souviendrais toujours de la première fois où mon beau-père m’avait « fait des choses », j’étais en train de lire et il est entré dans ma chambre en me demandant ce que je lisais. Alors que je lui résumais l’histoire, il s’est approché de moi tout doucement en souriant, mais tout en lui me faisait peur, son sourire, ses pas… Je me suis arrêtée de parler et il a glissé sa main dans mon pantalon, toujours en me regardant et en me souriant… Je n’aimais pas ce qu’il me faisait, je n’aimais pas son sourire, alors pour me protéger, pour faire abstraction de ce qui m’entourait… Je repris le livre que j’avais laissé à côté de moi dans le lit et recommençais ma lecture.

    -          Voilà, je te rapporte ton chocolat et tes biscuits…

    -          Merci, maman.

    Je refermais mon livre et attrapais le plateau qu’elle me tendait en faisant bien attention à ne pas renverser de lait. Une fois le plateau sur mes genoux, je regardais le tout avec une mine dégoutée… Je n’avais vraiment pas faim, mais bon pour le bébé il fallait que je me force, je ne pouvais tout de même pas le laisser mourir de faim dans mon ventre.

    Ma mère qui avait remarqué ma grimace me dit :

    -          Il faut que tu manges… Le médecin l’a dit et depuis quelques temps tu ne manges plus beaucoup, tu m’inquiètes, ma chérie…

    -          Mais non maman, il ne faut pas t’inquiéter… Je vais manger, c’est juste que je repensais à quelque chose et… Bon, bref…

    Aussitôt, j’attrapais la tasse de lait chaud dans mes mains, pour rassurer ma mère. Il ne fallait pas qu’elle s’inquiète, car sinon elle aurait des suspicions et Albert me dit toujours qu’il ne faut pas lui dire ce qu’il me fait parce que c’est notre secret…

    La première gorgée, bouillante, descendit dans ma gorge et je poussais un soupir. Si cette boisson chaude ne réconfortait pas mon estomac, elle me réchauffait un peu du moins.  Je bus finalement goulument mon chocolat, après tout comme le dit souvent Mémé Zaza : « La faim vient en mangeant, ma chérie ». Je regardais avec très peu d’enthousiasme les trois biscuits et éviter de grimacer, car ma mère inquiète me surveillait attentivement. J’en pris un et commençait à le grignoter lentement… Très lentement, pour éviter que mon estomac ne se contracte et que j’aille tout vomir dans les toilettes. Quand j’eu fini le premier biscuit, je repoussais les deux autres ne me sentant pas capable d’en avaler plus et disait à ma mère sur un ton suppliant :

    -          Je suis trop fatiguée pour avaler quoique ce soit de plus, maman… Je vais dormir un peu maintenant…

    Elle me dévisagea d’un air désapprobateur, mais finalement elle se leva de la chaise où elle était assise et me dit avec un petit sourire :

    -          Très bien, ma caille, je te laisse te reposer. Je reviendrais plus tard, mais je dois aussi m’occuper de tes frères et sœur…

    -          T’inquiète je comprends, maman, soupirais-je avant de fermer les yeux.

    Je l’entendis marmonner, puis je sentis les effluves de son parfum au-dessus de moi. Elle me déposa un baiser sur le front et pris les deux biscuits que j’avais laissé. La porte claqua et j’attendis un instant avant de rouvrir les yeux. Je n’avais aucunement l’intention de dormir, mais je voulais lire… C’est une des choses que je ne pouvais pas dire à ma mère, elle m’aurait fait un procès en disant que les seules choses dont j’avais besoin étaient de la nourriture et du sommeil…

    Ma mère est une personne assez contradictoire. Je tiens d’elle pour cela… En fait, elle fait très attention à nous, elle nous emmène au médecin quand on en a besoin, elle nous console quand on a un chagrin, elle nous fait faire nos devoirs… Mais elle est aussi assez naïve, il peut lui arriver de nous laisser seuls pour la soirée pendant qu’elle va en boite de nuit ou chez des amis, elle peut aussi nous faire une tasse de chocolat chaud en guise de dîner ou bien un bol de fromage blanc mélangé à des céréales… Elle a surtout horreur de faire le ménage, là c’est pareil, il vaut mieux qu’on le fasse, nous les enfants plutôt que d’attendre après elle, sinon… On peut attendre assez longtemps (surtout pour le linge). Depuis que je suis petite je connais ses réactions, ses sautes d’humeur, ses peurs, ses passions… Je partage tout avec elle, du moins c’est ce qu’elle croit, mais c’est aussi ce que je croyais… Il a fallu qu’elle tombe amoureuse d’un homme, d’un pauvre type pour que l’on se sépare… Car je le sais, la séparation est obligée, elle sera déçue que je ne me sois pas confiée à elle, elle aura peut-être honte de moi de l’avoir fait avec son mari, ou alors je la dégoûterais… Oui, notre relation ne sera jamais plus comme avant.

    A cette pensée des larmes me vinrent aux yeux. Je les laissais couler le long de mes joues, inondant ma maigre poitrine, libérant mon cœur d’un poids lourd à porter. Mon corps entier était secoué de sanglots, je n’en pouvais plus, je n’en pouvais réellement plus. C’est à ce moment que la porte de ma chambre s’ouvrit, alors que les battements de mon cœur s’accéléraient, je vis ma mère entrer. Je poussais un soupir de soulagement en la voyant, j’avais eu si peur qu’il s’agisse d’Albert.

    -          Mamma mia ! Chiara qu’est-ce qu’il se passe ? Pourquoi tu pleure ?

    -          J’ai besoin de voir mes amies, mamma, besoin de leur parler… Je suis un peu chamboulée, je ne m’attendais pas à tomber dans les toilettes de Cléa et on passait une si bonne journée ensemble… Ma vie est un enfer, je veux voir mes amies !!!

    -          Mais qu’est-ce que tu raconte ? Ta vie n’est pas un enfer… Pourquoi le serait-elle ? On fait tout ce que l’on peut pour toi… Tu préfère peut-être aller vivre chez ton père ?

    -          Non ! Bien sûr que non, je le hais plus que quiconque au monde, mais… J’ai juste besoin de voir mes amies, ça fait si longtemps qu’on ne s’est pas vu…

    -          C’est normal, chérie… C’est les vacances et tu sais que pendant les vacances il est rare que l’on invite des amis à la maison, mais Florian et Manon sont venus il n’y a pas si longtemps…

    -          Oui, mais ce ne sont pas mes amis à proprement parler…

    -          De toute manière, l’école reprend demain, donc si tu as repris assez de forces tu pourras y retourner…

    -          Oh oui, j’aurais repris assez de forces !!! C’est sûr !!!

    -          Hum, on verra… En attendant rendors-toi.

    Pour la deuxième fois je reposais discrètement mon livre et fermais les yeux. Ma mère avait sans doute raison, j’avais besoin de dormir. J’ai mangé, je vais dormir et demain je serais en pleine forme pour aller à l’école. Cette rentrée est une question de vie ou de mort pour moi !!!

     

    Chiara Gialini


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  • Chapitre 3

     

     

    La caresse du soleil sur ma joue me réveilla. Je sursautais et regardais avec horreur mon réveil qui affichait huit heures. Je sautais hors de mon lit et du me tenir un instant la tête, car j’avais l’impression que des marteaux s’acharnaient sur mon pauvre crâne. Puis je me ressaisi et malgré la douleur, je m’habillais en hâte avant de dévaler les escaliers quatre à quatre.

    -          Mamma !!! Tu m’avais dit que si je me sentais mieux je pourrais aller à l’école ! Mamma !!! Mais où elle est !

    Maugréant dans ma barbe, je me dirigeais vers la buanderie : personne, dans la cuisine : personne. Mais où était-elle ? Le bus scolaire venait tout juste de partir, elle ne pouvait pas s’être volatilisée comme ça, aussi vite !

    -          Si c’est ta mère que tu cherche elle est partie chez Mémé Zaza, pour l’accompagner à un examen médical.

    Cette voix masculine me fit sursauter et instantanément je sentis mon pouls s’accélérer et je commençais à paniquer. Déglutissant avec peine, je me retournais vers celui qui me faisait toujours peur, car je ne savais jamais ce qu’il allait me faire et déclarais d’une voix à peine audible :

    -          Ah bon, ben… Je vais la rejoindre alors, elle pourra m’emmener à l’école juste avant d’emmener Mémé.

    -          Je ne crois pas, je pense que vu l’heure elle est déjà partie. En revanche, elle m’avait dit hier qu’elle ne souhaitait pas que tu ailles à l’école car tu étais trop faible…

    -          Ce n’est pas vrai ! Je vais beaucoup mieux aujourd’hui et elle m’avait promis de m’emmener à l’école si j’étais rétablie… Je veux y aller !!!

    -          Tu pense vraiment que ça va mieux ?

    -          Mais oui, bien sûr ! Appelle-la et demande-lui de me mettre à l’école… S’il te plaît…

    -          Elle ne pourra pas t’emmener, comme je te l’ai déjà dit, elle est déjà partie pour le rendez-vous qui est à Angoulême, c'est-à-dire à une demi-heure d’ici… Tu vas être en retard, beaucoup trop en retard si tu l’attends… Mais je peux t’y emmener si tu veux, j’ai ma journée… A moins que tu ne préfère rester là avec moi ?

    Oups, un piège… Si je monte dans sa voiture, il glissera sa main dans mon pantalon pendant tout le trajet, mais si je reste à la maison, le calvaire sera bien pire et bien plus long… Pour ne pas lui laisser voir mon hésitation et ma peur (qui seraient synonyme de faiblesse) je répliquais presque aussitôt :

    -          Oui je veux bien que tu m’emmène, sinon je serais trop en retard et il n’est pas dit qu’il m’accepte en cours…

    -          Très bien, princesse, monte en voiture j’arrive ! Si seulement mon propre fils pouvait réagir comme toi…

    J’enfilais mon manteau, ma paire de baskets et je montais dans la voiture. Une fois dans l’habitacle, je commençais à appréhender… Combien de temps durait le voyage maison-école ? Au moins dix minutes je dirais, peut-être moins… Mais bon, se serait tout de même dix minutes de calvaire, dix minutes qui allaient me rappeler que tous ces gestes avaient donnés la vie ou allaient la donner… Mon pauvre bébé, ta mère est vraiment conne, si seulement elle pouvait être plus forte, protester plus effrontément encore. Mais elle ne peut pas, non je ne peux vraiment pas mon ange, désolée…

    -          Et me revoilà ! Alors prête pour aller à l’école ?

    -          Hum… Je n’attends que ça !

    -          Tu m’étonnes… Déjà deux semaines de vacance… Dis, ce ne serait pas pour un garçon en particulier que tu veux y retourner ?

    -          Non ! Je n’aime personne ! De toute manière les mecs sont tous cons !

    -          Oui, tu n’as pas tort, mais un jour tu trouveras quelqu’un de bien, quelqu’un qui te feras voir la vie en rose… Comme moi, tu ne trouve pas ?

    -          Hum…

    Et voilà, on avait fait la moitié du chemin et il attaquait… Je vis sa main venir vers ma cuisse gauche, mais je me décalais légèrement pour lui signifier que je ne voulais pas. Il ne se découragea pas et sa main atteignit tout de même ma cuisse. Je n’osais rien dire, pas pour le moment, une main posée sur une cuisse c’était tout de même bien commun, il y avait pire. Mais sa main remonta le long de ma cuisse et se glissa entre dans mon pantalon, pour aller se poser sur ma culotte. Je croisais les jambes pour l’empêcher de faire ce qu’il voulait.

    -          Pourquoi tu te mets comme ça ?

    -          Comme ça comment ?

    -          Les jambes croisées ?

    -          Parce que je n’ai pas envie que tu continues ce que tu fais !

    Il me sourit mais n’enleva pas sa main pour autant. C’était toujours comme ça, je pouvais lui dire clairement que je ne voulais pas, je savais que je n’allais pas être écoutée… Mais bon, je me sentais moins conne et plus courageuse en lui disant donc…

    Ouf, l’école était à moins d’une minute maintenant. J’allais pouvoir souffler un peu, parler avec mes amies, enfin surtout me confier à elles… J’allais leur annoncer que j’étais enceinte, elles trouveraient une solution pour moi, j’en suis sûre !

    -          A ce soir !

    -          Hum, à ce soir…

    Je sortais vivement et claquais la portière de la voiture pour éviter qu’il ne me retienne plus longtemps. A peine arrivée à la grille de l’établissement, je sentis deux mains frêles se poser sur mes épaules et j’entendis une voix dans mon dos :

    -          Bouh !!! Je t’ai fait peur hein ?

    -          Euh, non, Emeline tu ne m’as pas fait peur…

    -          Ou toi ça ne va pas… Qu’est-ce qui se passe ?

    -          Attends, je t’explique tout à la récré avec les autres filles, parce que là ce serait trop long à expliquer et on va bientôt rentrer en cours…

    -          Ok.

    Je souris à mon amie pour qu’elle ne s’inquiète pas trop. De toutes les filles qui m’entouraient à l’école c’était pour l’instant la seule à savoir ce qui se passait à la maison. Elle n’en a jamais parlé à personne car je le lui ai fait promettre, mais je sais qu’elle a horreur que je lui raconte ce qui se passait chez moi… Normal, elle se sent impuissante, inutile… Que des sentiments que je connais bien, moi aussi.

    Comme d’habitude nous allâmes nous ranger sous le préau. On avait une place spéciale selon la classe dans laquelle nous étions. Nous nous devions nous ranger sous le préau au niveau des fenêtres. Le directeur descendit et nous sourit à tous. J’adorais ce sourire, il était tellement gentil et… Oui je ne sais pas pourquoi, mais ce sourire m’était familier. Le directeur c’est aussi le professeur des CM2, c'est-à-dire, ma classe. Il descendit les escaliers et vint se placer devant nous avant de nous faire signe de monter. On le suivit dans les escaliers, jusqu’au bout du couloir et on se rangea contre le mur derrière la porte de notre classe.

    -          Allez-y, rentrez.

    Les uns après les autres nous entrâmes en classe et nous nous assîmes à nos tables respectives. C’est avec bonheur que je retrouvais ma place, mon casier (sous ma table) avec tout son joyeux fatras à l’intérieur. C’était un amoncellement de papiers, de cahiers, de livres, de cartouches d’encre, de dessins en tous genres… Le directeur, monsieur Legrand, nous demanda de nous asseoir et on entendit pendant un instant un grand bruit de chaises que l’on traîne. Puis, les chaises ne firent plus de bruit et le bruit des conversations s’estompa un peu… Le début des cours, c’était parti pour deux heures… Deux longues heures où j’allais pouvoir rêver et écouter ce bonhomme parler avec passion de l’histoire. Je m’évaderais à travers ces récits dans des époques lointaines. Oui, j’adore l’école !

     

    Chiara Gialini


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  • Chapitre 4

     

     

    -          Bon alors, qu’est-ce que t’as ?

    Mes mies étaient toutes autour de moi et attendaient impatiemment que je leur raconte ce qui n’allait pas. La plus impatiente de toutes étaient bien sûr Emeline et c’est pour cela qu’elle me posait cette question.

    -          Bien, je vais devoir expliquer à certaine d’entre vous ce qui se passe chez moi avant de pouvoir vous dire ce qui ne va pas… Voilà, depuis déjà… Euh… Trois ans bientôt, à la fin de l’année, mon beau-père me…

    -          Te, répéta l’une de mes amies nommée Pauline.

    -          Il met sa main dans ma culotte, il me montre son zizi et il veut aussi que je le touche… Bref, il me fait des choses horribles, mais je n’ai pas le droit d’en parler, donc je compte sur vous pour garder le secret.

    -          Bien sûr, répondirent-elles en chœur.

    -          Tout ça Emeline le savait depuis longtemps, car comme vous n’êtes pas là à la garderie du matin, c’est à ce moment qu’on en parle… Mais pendant les vacances, un truc plus horrible encore m’ait tombé dessus…

    -          Chiara, pour la dernière fois, dis-nous ce qu’il se passe !

    -          J’étais chez ma cousine, Cléa et je lui ai dit que ça faisait un bon bout de temps que je n’avais pas eu mes règles. Ma cousine qui savait tout ce que mon beau-père faisait et elle m’a tout de suite annoncé qu’il était fort probable que je sois enceinte.

    -          Oh mon Dieu !

    -          Attendez, les filles, ce n’est pas fini… On est allé dans une pharmacie et avec notre argent de poche on a acheté deux tests de grossesse… Il en faut deux pour être sûr du résultat… Le premier était positif, mais il pouvait se tromper, donc j’ai essayé le deuxième…

    -          Et alors ?

    -          Positif…

    -          Oh…

    Il y eut un grand silence, plus personne n’osait parler. Plus personne ne savait quoi dire. Mais si, l’une de mes amies Déborah eut le courage de rompre le silence et me demanda :

    -          Mais alors, c’est l’enfant de ton beau-père ?

    -          Oui.

    -          Et tu ne peux pas l’enlever de ton ventre ?

    -          Normalement si, ça s’appelle l’avortement, mais il y a un délai pour pouvoir l’enlever et je ne suis pas sûr de pouvoir le faire au stade où j’en suis…

    Encore une fois le silence s’abattit sur nous. Je regardais mes amies tour à tour… Pauline contemplait le sol avec une attention toute nouvelle, Déborah évitait mon regard et cherchait comment faire, elle qui était en famille d’accueil savait ce que signifiait l’absence de parents… Elisa entortillait une boucle autour de son doigt et Emeline… Elle me sourit d’un air espiègle et soudainement se jeta dans mes bras en hurlant :

    -          Mais c’est génial ! Tu vas avoir un bébé, putain ! Un bébé !!!

    -          Mouai… Mais un bébé de…

    -          Mais un bébé tout de même ! C’est génial !

    Mes copines se jetèrent une à une sur moi, en rigolant. Elles étaient vraiment contentes pour moi. Elles ne m’avaient pas trouvé de solution, mais elle me convainquait que garder cet enfant était encore l’idéal dans ma situation. C’était comme un cadeau ou non une récompense pour avoir survécut à cette épreuve que ma vie m’avait fait subir. Me décontractant légèrement je rigolais avec elles. Oui, un bébé, n’est-ce pas merveilleux ?

    -          Il va falloir le dire à toute la classe, parce que ça va commencer à se voir, me dit Déborah.

    -          Et puis il faudra aussi le dire à tes parents et au directeur, continua Pauline.

    -          Tu es enceinte de combien, me demanda Elisa.

    Je les regardais toutes, ahurie. Autant de questions, mais surtout autant de précipitation. Pourquoi Diable devrais-je le dire à toute la classe, c’est ma vie, ce serait la honte si tout le monde savait ce qui m’était arrivé. Et pour mes parents ça oui, il allait falloir le dire, mais j’avais encore le temps, on n’était pas pressés.

    -          Ben pour la classe, elle n’est pas obligée de savoir et puis même si ça se voit, c’est ma vie… Pour mes parents oui, je vais devoir leur dire mais bon pas maintenant je ne suis pas pressée et pour le directeur aussi faut que je lui dise parce que je ne vais plus pouvoir faire du sport. Plus longtemps…

    -          Mais t’es enceinte de combien ?

    -          Ah, de cinq mois je crois…

    -          De toute manière Chiara, si tu dis à Monsieur Legrand que tu ne peux plus faire sport parce que tu es enceinte, il le dira forcément à tes parents… Sinon il faut que tu le dises à tes parents pour qu’ils te fassent un mot pour le directeur… Donc de toute manière, t’es foutue…

    Je hochais la tête. Oui, elle n’avait pas tort, j’étais dans le pétrin, mais alors bien profond… Ma mère allait me tuer quand elle saurait, mon beau-père aussi, car je serais obligée d’en parler et Monsieur Legrand aurait honte de moi… La sonnerie retentie, il était l’heure de retourner en classe. Pendant deux heures, encore… Ou du moins une heure et demie… Car après c’était la cantine. Je suivais mes amies en cours, avec beaucoup moins d’entrain qu’elles. Elles étaient donc si immatures pour ne pas voir l’horreur de ma situation ? Comme à son habitude, Monsieur Legrand nous fit entrer en nous adressant un grand sourire. J’évitais son regard, déjà honteuse, comme prise en faute pour quelque chose que je n’ai pas fait. Il s’en rendit compte et son sourire disparu un instant de son visage. Heureusement, il ne me posa aucune question. Peut-être s’est-il dit que je m’étais chamaillée avec les filles. Je m’affaissais sur ma chaise et regardais d’un air absent le tableau.

    -          Nous allons maintenant faire des maths, les enfants ! On commence par le calcul mental. J’espère que vous avez tous appris vos tables de multiplications ?

    Oh non, le calcul mental ! Je n’aimais pas du tout les maths, mais le calcul mental c’était carrément ma bête noire ! Je priais intérieurement pour ne pas être désignée en première. La veille, je n’avais pas fait mes devoirs vu que j’étais malade. Normalement, je m’asseyais à la table du salon avec ma mère pour faire mes devoirs, elle, elle me surveillait, elle vérifiait et approuvait.

    Un élève fut désigné et je poussais un soupir discret, peut-être qu’étant bonne élève, le directeur ne m’interrogerais pas croyant que je connaissais ma leçon. L’élève désigné ne sut pas répondre aux questions du directeur et je le maudis intérieurement. Si jamais j’étais interrogée après lui, je ne saurais pas répondre. Monsieur Legrand demanda à l’élève de se rasseoir. Il regarda toute la classe et son regard se posa sur moi. Il me sourit d’un air malicieux et déclara :

    -          Chiara, c’est à toi. Tu as appris ta leçon n’est-ce pas ?

    -          Non, monsieur… Hier j’étais malade et je n’ai pas pu faire mes devoirs.

    -          Mais qu’avais-tu donc hier comme maladie pour qu’elle s’évapore en un jour ?

    -          J’ai fait un malaise, répondis-je en rougissant et en baissant la tête. Je me suis évanouie et j’ai passé le reste de la soirée au lit…

    Le professeur me regarda d’un air surpris et un peu inquiet. Mon air préoccupé de tout à l’heure et ma confession avaient du l’alerter.

    -          Très bien, je ne vais donc pas t’interroger sur les tables de multiplications, mais sur les additions et les soustractions. Je ne te noterais pas aujourd’hui vu les circonstances, mais demain tu devras connaître tes tables de multiplications. Il se peut que je te réinterroge…

    -          Oui, Monsieur…

    Je fis de mon mieux pour répondre à toutes les additions et à toutes les soustractions, et apparemment cela suffit à faire son bonheur. Je pus me rasseoir et il interrogea un autre élève, sur les tables de multiplication cette fois.

    L’heure se déroula assez lentement. Après les tables de multiplication, il nous donna à tous une feuille avec différents problèmes mathématiques à résoudre. Pour la majeure partie, la solution on la  trouvait à l’aide des tables de multiplications. Les deux premiers je pus les faire assez facilement, il fallait connaître les tables de deux, trois et quatre. Mais les autres j’en fus incapable. Une de mes amies qui étaient en face de moi m’expliqua en langage des signes que la table de cinq faisait comme l’horloge. Quand la grande aiguille est sur le un, il est cinq donc 1x5=5, quand la grande aiguille est sur le deux, il est dix donc 2x5=10… Grâce à elle je résolus en très peu de temps le troisième problème, mais il en restait deux et je ne pouvais pas les faire, il fallait connaître sa table de six, sept et huit.

    Monsieur Legrand qui passait de temps en temps dans les rangs pour voir où nous en étions et si nous avions besoin d’aide, vint voir ce que j’avais fourni. Quand il vit que je ne pouvais plus rien faire, parce que je n’avais pas appris mes tables de multiplication, il chuchota à mon intention :

    -          Reste à la fin de l’heure, j’aimerais te parler…

    -          Mais Monsieur, il y a la cantine, et vous savez qu’après c’est dur pour entrer dedans si on est en retard.

    -          Tu ne seras pas en retard à la cantine, tu sais bien qu’il y a toujours une file d’attente énorme. Et puis même si tu arrivais en retard, il te laisserait entrer car je leur téléphonerais pour leur dire que tu étais avec moi.

    J’acquiesçais et senti immédiatement une boule de stress se former dans mon ventre. Que me voulait-il ? Et s’il voulait savoir quelle était la cause de mon comportement plus qu’étrange, je ne pense pas que je pourrais lui dire, mais je ne pourrais pas non plus le dire à ma mère… Je n’avais pas cette force là.

    La sonnerie retentie et je faisais semblant de trainasser, afin d’être oubliée par mes copines. Mais Emeline vint me voir et me demanda :

    -          Tu te dépêche ? La cantine tu sais bien comment elle fonctionne, t’es en retard t’attends le prochain service, alors…

    -          J’arrive, t’inquiètes. Tu me garde une place ?

    Elle me regarda très bizarrement, puis fini par hausser les épaules et sorti de la classe. Je me retrouvais donc seule avec Monsieur Legrand. Je baissais la tête et laissais mon regard s’attarder sur des petits détails de la classe afin d’éviter le regard perçant de mon professeur.

    -          Chiara, que se passe-t-il ? Est-ce qu’il y a quelque chose que tu voudrais me dire ou que je devrais savoir ?

    -          Euh… Non, pourquoi ?

    -          Je te trouve un peu pâle, mais surtout très préoccupée. Tu sais quand on a des problèmes on ne peut pas toujours les régler seule et… On doit demander conseil autour de soi. Je suis là pour te donner des conseils si tu en as besoin, mais je ne peux pas deviner quand tu ne vas pas bien…

    -          Je… Je…

    J’aurais tellement aimé lui dire. Avoir la force, le courage de me libérer d’un tel poids, mais la honte, la culpabilité et la peur me retenaient.

    -          Je vais bien, finis-je par articuler. Oui, je vais très bien, ajoutais-je en lui lançant un sourire qui, je l’espérais, était assez convaincant.

    -          Bien, n’hésite vraiment pas si tu as besoin de quoi que ce soit, d’accord ? Allez file à la cantine !

    Souriant toujours pour ne pas l’inquiéter et pour qu’il ne change pas d’avis, je descendais à la cantine. Je croyais qu’il me serrait difficile d’y entrer vu que j’avais tardé à venir, mais Monsieur Legrand avait, comme promis, appelé la cantine pour s’excuser de m’avoir retenue et je fus accueilli avec chaleur par une grosse dame portant un tablier rose (une cantinière). On m’installa à la table d’Emeline qui m’avait gardé une place et on me rempli mon assiette de petits pois. Un garçon du nom de Benoît et qui était assis à côté de moi parlait avec son meilleur ami, Antonin :

    -          Oui ! Si je te le dis ! Mes parents sont partis et j’ai trouvé ce film dans leur lecteur DVD, alors…

    -          Ne me dis pas que tu l’as regardé ?!

    -          Ben si… C’était trop marrant ! Genre la meuf elle se frottait les seins et le mec pendant ce temps il enlevait son pantalon et sa culotte…

    -          Oh, mon Dieu !

    Je ne comprenais pas. Pourquoi tant de simagrées… Leur père ne les avait pas initiés à « l’amour » ? Pourtant je croyais que c’était partout pareil. Je voulais en avoir le cœur net et déclarais sur un ton désinvolte :

    -          Je suis quasiment certaine qu’après le mec il a… rentré son truc dans le truc de la femme. Ce n’est pas vrai ?

    -          Si, mais comment tu le sais ? On a une experte des films pornos à table !

    -          Mais non… Enfin j’en ai déjà vu mais…

    -          Ah !!! T’en as déjà vu !

    -          En fait, c’est mon beau-père qui me les fait voir et… Si je sais comment ça se passe c’est parce que… Parce qu’il me fait la même chose que dans ces films…

    -          Quoi ! Mais genre il te fait quoi ?

    Je lui racontais donc ce qui se passait et lui demandais de ne rien dire à personne et surtout pas à ses parents. Par moments, en racontant je rigolais, car ce n’est pas facile de raconter certaine chose. Quand j’eus fini, je me rendis compte que non seulement toute ma table avait écouté, mais aussi toute la cantine… Un silence de plomb s’abattit sur nous et je baissais la tête. Au bout de quelques minutes qui me parurent des heures, une cantinière vint nous voir et nous fit signe de sortir. Alors que j’avançais dans au milieu de la cantine, entre les tables, je sentis quelqu’un m’attraper par le bras et je me retournais. C’était Diane, une fille de ma classe. Elle me regarda avec dans les yeux une infinie tristesse ou douleur, je ne sais pas trop.

    -          Chiara…

    Ne pouvant rien articuler je la regardais et lui fit un petit sourire. Oui, comme d’habitude tout allait bien, il ne faut pas vous inquiéter pour moi. C’est ce que je croyais il y a quelques instants, du moins, car maintenant en voyant vos airs effarouchés, inquiets, tristes… Je me demande si ce que je vis est normal, si c’est si grave que ça… Je ne comprends plus rien. A partir de cet instant, je continue ma journée dans un brouillard des plus complets.

    Dans la cours de récréation, je m’assois sur un banc, à l’écart des autres. Soudain je sens quelqu’un me prendre dans ses bras. C’est Emeline, je ne l’avais pas vu arriver. Elle me berce tendrement en me promettant que tout va bien se passer, que je ne dois pas m’inquiéter. Bref… Des phrases que l’on dit pour rassurer, mais en sachant très bien que tout ne va pas bien se passer. Mais son soutien est précieux, c’est pourquoi je me laisse aller dans ses bras.

    Encore une sonnerie, de nouveau deux heures de cours… Et cette fois, comme tous les après-midi ce sera de l’Histoire. Monsieur Legrand adore l’Histoire, il va même nous emmener au monument des morts. Mais moi aussi j’aime l’Histoire en temps normal, car notre professeur est si passionné que l’on est subjugués par ce qu’il raconte. Et puis pour que ce soit plus ludique, il nous apprend des chansons de guerre comme la Marseillaise ou la Madelon.

    Je remonte les escaliers en suivant ma classe. Je me range dans le couloir, tout le brouhaha autour de moi est comme étouffé par le brouillard qui m’entoure. Je ne comprends, n’entends et ne vois rien. Monsieur Legrand nous fait entrer et je m’affale sur ma chaise, puis je me reprends, je ne dois pas m’asseoir avant que notre cher professeur ne me le dise. Je sens que tous les regards convergent vers moi, mais ça ne m’atteint plus.

    Les deux heures s’écoulent trop vite. Je ne sais pas de quoi notre professeur nous a parlé, je ne sais pas si j’ai attendu qu’il me dise de m’asseoir pour le faire… Le brouillard, je suis vidée, et… Fatiguée.

    Je ne vois pas passer la journée. En un clin d’œil, je me retrouve assise dans le bus, seule, silencieuse et pensive. Je vois les paysages défiler et enfin j’arrive chez moi. Je rentre et me force à sourire à ma mère pour qu’elle ne s’inquiète pas. Elle me sert mon goûter, on s’attaque aux devoirs, puis je vais dans ma chambre. Que faire ? A cette question, il n’existe qu’une réponse. Je me tourne vers ma bibliothèque. Que des livres que j’ai déjà lus, dans ce cas… Je file dans le couloir et m’arrête devant la bibliothèque de ma mère… Mes yeux s’arrêtent sur un livre à la couverture orange chatoyant : Le plus beau des mensonges de Belva Plain. C’est mieux que rien. Je retourne dans ma chambre et commence à lire. Aussitôt, comme par magie, le rideau de brouillard qui s’était abattu sur moi se dissipe et je suis happée par le récit.

    Vient l’heure du bain. Pour gagner du temps, vu que nous sommes nombreux, ma mère a pris l’habitude de nous laver ensemble (environ trois dans la douche). Une chose me frappe alors. Sous prétexte de sécher mes frères mon beau-père se trouve dans la salle de bain alors que je me lave. Est-ce bien normal ? Après tout, pensais-je, c’est vraiment rien comparé à ce qu’il me fait.

    Une fois que nous sommes lavés, nous pouvons jouer encore un peu. Je retrouve donc mon livre. Au bout d’une demi-heure, ma mère nous appelle pour qu’on aille à table. Je fais comme si de rien était. Mon beau-père lance une vanne, je donne le change et me marre. Il m’arrive même de rire de bon cœur à ses imbécilités. Puis c’est l’heure du dodo, brossage des dents, un petit tour aux toilettes et on se retrouve sous la couette.

    Ma mère éteint la lumière après nous avoir embrassés. Dans la pénombre je ne dors jamais bien. J’attends encore un peu et ça y est, ma mère et mon beau-père descendent dans le salon. Ni une ni deux, j’allume ma DS et la place sur ma poitrine. Je tâtonne un peu partout dans mon lit et fini par trouver ce que je cherche : mon livre. Je lis à n’en plus finir. Quand l’horloge de ma console indique minuit, je décide qu’il est temps de l’éteindre et de dormir.

    Soudain, toute la pression de cette journée redescend et je  prends enfin conscience du mal que m’a fait mon beau-père et de l’anormalité de la situation. Les larmes coulent toutes seules sur mes joues sans que je ne puisse les retenir et se transforme assez vite en sanglots. Je supplie alors le ciel de me venir en aide, je le supplie et le supplie encore et encore. Comme chaque soir. Puis la fatigue me rattrape et je fini par m’endormir, le visage trempé de larmes, les cheveux ébouriffés et la tête en compote. Mais je suis sûre d’une chose : il ne viendra pas ce soir.

     

    Chiara Gialini


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  • Chapitre 5

     

     

                J’entends la porte de ma chambre s’ouvrir, mais je sais déjà quelle heure il est et je sais qu’il s’agit de ma mère, aussi je n’ouvre pas mes yeux, pour ne pas gâcher son plaisir de me réveiller.

    -          Coucou, ma puce… C’est l’heure de se réveiller, y a école…

    -          Hum… Je me lève.

    Ma mère éclate de rire et me demande :

    -          Tu as fait de beaux rêves ?

    Je hoche la tête. Si seulement elle savait… Depuis plusieurs années mes nuits se résument à quatre heures de sommeil, quand ce n’est pas moins. De minuit à quatre heures du matin je dors bien, mais c’est là un moindre repos, qui ne me suffit pas et il n’est pas rare de me voir tomber de fatigue.

    Comme ma mère et sorti de ma chambre pour aller réveiller mes frères, je me lève et m’habille. Mais une envie pressante me rappelle à l’ordre et je cours aux toilettes, situées dans notre salle de bain. Alors que j’allais sortir, la porte s’ouvre sur mon beau-père. Il me fait un sourire et me demande si ça va. Distraitement je lui réponds que tout va bien et alors que j’allais lui dire de me laisser sortir pour que j’aille préparer le petit déjeuner, il referma la porte.

    -          Attends je veux te montrer un truc…

    Oh non !!! Bonne pâte je me tais et attends patiemment, ayant appris avec le temps qu’il était de toute manière inutile d’essayer de le fuir. En faisant ça on l’énerve et il se met en colère, ce qui ne rime à rien.

    Il attrapa sur une étagère un petit tube violet où le seul mot que j’eus le temps de lire fut gel. Tout de suite je m’apaisais en me disant qu’il allait juste se coiffer devant moi, mais je ne savais pas à quoi servait CE gel là. L’angoisse se saisit à nouveau de moi quand je le vis déboutonner son pantalon et ouvrir sa braguette. Il me répugnait sincèrement. Il sortit son sexe de son slip et déposa une noix de gel dans une de ses mains. Puis il se mit à le caresser avec le gel. Dégoûtée je détournais le regard.

    -          Tu veux essayer ?

    Je fis non de la tête. Ce type était totalement malade ! Il voulait que je mette ce truc gluant dans ma main pour ensuite le caresser ! Mais il est vraiment fou !

    -          Tu as vu ? Il aime ça. Il est tout dur.

    Alors qu’il rigolait, je hochais simplement la tête et regardais d’un air implorant la porte. Mais quand pourrais-je donc sortir ?

    Soudain, mon beau-père s’approcha de moi. Il me fit asseoir sur le rebord de la baignoire et déboutonna mon pantalon :

    -          Ecarte les jambes !

    Tremblante de dégoût j’obéissais. Car c’est ainsi qu’on m’avait éduquée, il fallait obéir, tout le temps obéir. Même si on n’aimait pas. Je sentis une main se glisser dans ma culotte alors que je regardais toujours la porte, mais cette fois pour esquiver son regard plein de désir. Il fit aller et venir son doigt plein de gel sur mon sexe, et soudain, sans prévenir il l’enfonça en moi. C’était si sale, que je dus faire un effort considérable pour réprimer les larmes qui menaçaient de couler.

    -          Tu aime ça, murmura-t-il.

    Encore une fois je ne pus qu’hocher la tête, incapable d’ouvrir la bouche. J’avais peur, j’étais dégoûtée et je sentais qu’il allait se passer quelque chose d’important ou de grave, bref d’imprévu aujourd’hui.

    Enfin il me laissa sortir. Je reboutonnais mon pantalon et descendis les escaliers quatre à quatre, de peur qu’il ne se ravise et me demande de retourner dans la salle de bain. Arrivée dans la salle à manger, je souris à ma mère qui rayonne particulièrement. J’adore la voir si heureuse. Machinalement et toujours en souriant, j’attrape ma tasse dans le placard et sors la brique de lait du frigo. Je remplis ma tasse, la met à chauffer, verse le chocolat et je vais enfin m’asseoir à table pour déguster ma boisson. D’habitude, je ne bois que mon chocolat, mais ce matin je pense au bébé et me dit qu’il faut que j’en prenne soin. Aussi j’attrape deux biscuits et les croque avidement, me rendant compte que je meurs de faim.

    -          Dépêche-toi, ma puce… Le bus va bientôt arriver !

    -          Ouai… Je me dépêche.

    Ma mère me regarda avec attention avant d’hausser les épaules dans un geste d’incompréhension. Elle aurait compris que cela m’aurait étonné !

    N’y tenant plus, je posais ma tasse dans l’évier et aller dans le garage chercher mes chaussures et mon manteau. Je m’habillais en deux temps trois mouvements, et j’allais à la porte d’entrée. J’attendis mes frères et enfin, voyant le bus à la fenêtre je leur criais de se dépêcher. On sortit et on couru pour ne pas trop faire attendre le chauffeur, qui nous sourit avec un air indulgent. Une fois dans le bus, je pus me poser et c’est alors que je m’apercevais d’une chose : j’avais le ventre noué, une angoisse m’étreignait, mais je ne savais pas pourquoi.

    L’auxiliaire du bus, une femme qui restait avec nous pour nous surveiller et que l’on aimait tous (en plus sa fille s’appelait comme moi et on avait le même âge), s’approcha doucement de moi avec un sourire qui se voulait réconfortant sur les lèvres.

    -          Tu sais Chiara, ma fille m’a tout raconté… Je te conseille de ne pas le dire à Emeline, car cela va te créer beaucoup d’ennui, elle ne sait pas tenir les secrets…

    -          Oui, oui Myriam, t’inquiète je lui dirais rien…

    Mais il était déjà trop tard, Emeline était celle qui savait tout et avant tout le monde. C’était ma meilleure amie et jusqu’à présent elle n’avait pas trahit ma confiance. Enfin nous étions arrivés à l’école, mais étrangement au lieu de ressentir du soulagement comme c’était toujours le cas quand j’arrivais à l’école, je sentis mon ventre se nouer encore plus et une boule se coinça dans ma gorge. Je dus retenir mes larmes et j’attendis que tout le monde soit sortit pour descendre.

    -          Bon courage, Chiara ! Et surtout n’oublie pas, je te conseille de  ne rien dire à Emeline.

    Je ne sais pas ce que je lui ai répondu, mais ça a du lui suffire, car elle me sourit. J’entrais dans l’école comme un prisonnier rentrerait dans sa cellule. Cette sensation de mal-être n’était pas normale, surtout à l’école… Je décidais de me ressaisir et de passer outre. Je souris à tout le monde et comme à mon habitude, j’allais voir Annick, la surveillante de la garderie. J’avais sympathisé avec elle est presque tous les matins je marchais à ses côtés et je lui faisais la conversation. Alors que l’on était en train de parler vivement, j’entendis une voix grave m’appeler. Bien que je l’eu reconnu je me dis que c’était impossible et en me retournant pour voir de qui il s’agissait, la boule dans ma gorge grossit. Il s’agissait de Monsieur Legrand… Je laissais donc Annick seule, et le rejoignais.

    -          Viens, nous allons parler dans mon bureau…

    Je me retournais et lançais à l’intention d’Annick :

    -          Je reviens, tout de suite !

    Et je suivais le proviseur. Je l’appréciais beaucoup, mais je savais ce qu’il avait à me dire et c’est pour ça que j’aurais préféré ne pas entendre sa voix. Arrivé dans son bureau, il me fit asseoir et commença d’une manière légère :

    -          Comment ça va, Chiara ?

    -          Oh, ça va Monsieur !

    -          Tu en es sûre ? Tu n’as rien à me dire ?

    Je voyais où  il voulait en venir, mais je ne pouvais pas lui dire. Je n’y arriverais jamais et je n’avais pas le droit… Alors je décidais de le laisser attendre un peu, de le laisser m’interroger, de trouver une manière plus commode pour aborder le sujet.

    -          Non, Monsieur, je n’ai rien à dire.

    -          Tu n’as pas parlé à tes camarades de choses un peu étranges, hier ?

    -          De choses étranges ? Non, Monsieur…

    Pourvus que le déni marche et qu’il pense que je suis une menteuse ou que quelqu’un a menti sur mon compte… Bref tout, pour qu’il abandonne son interrogatoire et qu’il me laisse partir !

    -          Bien, on va procéder autrement. Car je sais que tu as dit des choses à tes camarades et je sais que tu n’as rien put inventer. Alors voilà, hier, un parent d’élève m’a appelé pour me dire que tu t’étais plainte du comportement de ton beau-père envers toi… Est-ce vrai ?

    Voyant qu’il ne me lâcherait pas tant que je n’aurais pas dit la vérité, tant que je n’aurais pas avoué, je décidais de lui dire la vérité. De toute façon, je n’en pouvais plus de mentir, ça ne me ressemblais pas. Honteusement, je hochais la tête.

    -          Le parent d’élève qui m’a appelé, c’est le papa d’Antonin. J’ai fait une liste des choses qu’il m’a dites. Alors je vais te les énoncer et tu auras juste à dire oui ou non, d’accord. C’est juste pour voir si ce garçon a menti à ses parents sur certains points ou si on lui a dit des choses totalement fausses. Ainsi, tu éviteras les ragots.

    Il énonça donc tous les mots et je répondis oui à presque tous. Presque, car je ne pouvais pas tout lui avouer… C’était vraiment trop la honte ! Et puis, je ne voulais pas attirer de problèmes à mon beau-père malgré toute la haine que j’avais contre lui quand il me salissait, je ne pouvais pas lui faire ça.

    Monsieur Legrand m’expliqua que selon les réponses que je lui avais fournies il s’agissait d’attouchements. Bien sûr, j’ignorais le sens de ce mot, mais je comprenais très bien ce qu’il signifiait… Il me dit qu’il appellerait ma mère pour avoir un rendez-vous avec elle et mon beau-père pour leur expliquer la situation. Par la suite il porterait plainte contre mon beau-père, car quand on a fait une bêtise on doit être punis. Je hochais la tête continuellement pour lui signifier que j’avais compris et pour qu’il me relâche vite ! Il dut entendre ma prière muette, car il me dit enfin :

    -          Allez ! Tu peux retourner jouer dehors ! Enfin, je ne te vois pas jouer mais bon…

    -          Non, Monsieur, je ne joue pas… Je parle avec Annick !

    -          Alors je te laisse rejoindre Annick.

    Je redescendais en hâte, pour m’éloigner au plus vite de cet endroit qui dorénavant représenterait ma principale source de stress. Bien sûr, Annick voulait savoir ce que Monsieur Legrand me voulait… Déjà par curiosité, car j’étais une bonne élève sans problèmes (apparents), mais aussi parce que ma tête devait représenter ce que je ressentais et donc ne devais pas vraiment être rassurante. Je m’empressais donc de la rassurer en lui affirmant que tout allait bien et je satisfaisais sa curiosité en lui racontant le plus brièvement possible ce qui c’était passé et ce que Monsieur Legrand m’avait expliqué.

    -          Oh ma pauvre ! Et pendant tout ce temps tu as gardé cela pour toi ?

    -          Oui… Mais tu vois, avant je me plaignais de ce que mon beau-père me faisait, de mes insomnies, j’en pleurais et tout… Et aujourd’hui je sais que le pire m’attend : l’annoncer à ma mère avant que Monsieur Legrand ne l’appelle. J’ai déjà essayé dans le passé, mais… Je ne peux pas, j’ai trop honte et puis c’est son mari, elle pourrait m’en vouloir à mort ! Mais ce qui me retient plus que tout ça, c’est le fait que je vois ma mère heureuse avec lui et que je ne veux pas gâcher son bonheur avec cette histoire. Moi je m’en fous de ce que l’on me fait vivre, tant que ma mère est heureuse alors je suis heureuse… Depuis ma plus tendre enfance c’est comme ça et je ne pense pas que cela puisse changer. Peut-être que j’aime TROP ma mère… Mais est-ce un défaut ?

    -          Ma puce, il est évident que ta mère préfèrerait l’apprendre de toi, maintenant je ne suis pas à sa place et je ne peux pas te dire comment elle va réagir… Mais c’est une mère, et je suis persuadé qu’elle va être extrêmement en colère contre celui qui t’a fait du mal ! Tu ne dois pas avoir honte, tout ce que tu as vécu en silence, dans le froid et la pénombre sans jamais te plaindre, c’est juste… Ultra courageux ! Continue à te battre, garde ta force, ta joie de vivre ! Ne te laisse pas abattre par ce vaurien !

    En guise de réponse, je souriais tendrement à Annick et je changeais de sujet. Je préférais parler de choses légères pour décompresser un peu. Mais alors que je faisais la conversation à cette vieille et adorable femme, mon cerveau, lui, cherchait activement un moyen facile (s’il en existait un) d’annoncer tout ça à ma mère. Par où devais-je commencer et comment ? Maman, tu vas être mamie ! Maman, depuis à peu près trois ans sûr, ton mari couche avec moi ! Ou bien encore prendre le ton plus scientifique du directeur : Maman, ton mari me fait des attouchements. Enfin des attouchements et ça va un peu plus loin… Non, pas d’issues possibles, elle allait me tuer.

    Ma journée se passait dans un brouillard à travers lequel je ne percevais que des bribes de conversations. Je ne savais même plus qui j’étais, ce que je devais faire, qui me parlais, bref je n’étais plus connectée avec le monde extérieur. Je rentrais chez moi, le moral en berne. Ma mère me servit un goûter et j’en profitais pour tenter de tout lui dire.

    -          Maman ?

    -          Oui ?

    -          Euh… Je… Je… Je trouve que tu prépare les meilleurs goûters du monde !

    -          Oh, ben tu sais, ce n’est rien… J’achète un paquet de gâteau, une bouteille de sirop et le tour est joué !

    -          Oui c’est sûr ! Au fait, aujourd’hui Monsieur Legrand m’a convoquée dans son bureau…

    -          Pourquoi ?!

    Dans le regard de ma mère je pouvais voir de la méfiance, de l’inquiétude et de la surprise. En effet, pourquoi m’avoir convoquée, moi, une élève studieuse et légèrement bavarde ?

    -          Il… Euh, il… Il trouvait mon travail excellent et voulait me le faire savoir…

    -          Ah c’est bien, ma puce… Je suis fière de toi, moi aussi. Tu m’as fait peur, j’ai cru qu’il s’agissait de quelque chose de beaucoup plus grave !

    Si seulement tu savais… Encore une fois le poids du silence, la honte, la culpabilité me rattrapaient et j’assistais à ma noyade, sans rien tenter pour sortir la tête hors de l’eau. Une idée me vint, j’allais attendre le coup de fil de Monsieur Legrand et quand ma mère me demanderais pourquoi il voulait la voir (car c’est ce qui allait arriver à coup sûr), je lui dirais tout de but en blanc, sans m’arrêter, même pour reprendre mon souffle. Et alors je serais enfin délivrée.

     

    Chiara Gialini


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  • Voici une de mes nouvelle lecture! Ce témoignage est super!!! peut-être que certain l'auront vu en téléfilm sur TF1, mais il existe aussi en livre et il est génial!!!

    Le calvaire de cette femme, pendant douze ans est très touchant et j'invite tout le monde à le lire!!!


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